Une veine de lumière file Le nom de la ville rayé Les lampadaires planter leur éclats Je marche entre les feuilles et l’asphalte.
Contact visuel
La photographie en noir et blanc montre une route de nuit, bordée à gauche par une rambarde métallique et éclairée par une série de lampadaires alignés qui s’étendent vers l’horizon. Des bâtiments apparaissent au loin, découpés par les points lumineux des fenêtres et des lampes de rue. Sur la droite, au premier plan, des feuillages denses occupent une partie de l’image. Derrière eux, un panneau routier indique « Aulnay-sous-Bois » barré, signalant la sortie de la ville. Un autre panneau plus petit, partiellement masqué, mentionne le label « Ville Fleurie ». Sur la chaussée, une traînée de lumière blanche s’étire en courbe, conséquence d’un temps de pose long qui a capté le passage d’un véhicule. Le ciel est sombre, zébré par les halos lumineux qui se diffusent en rayons depuis les réverbères.
Révélation
Cette image me rappelle le verset 20 de la sourate Al-Hadîd (Le Fer) qui m’évoque le caractère éphémère et illusoire des ornements de ce monde.
« Sachez que la vie d’ici-bas n’est que jeu, divertissement, parure, une cause de vanité entre vous et une course à l’accumulation de biens et d’enfants. Elle est semblable à une pluie : la végétation qu’elle fait pousser émerveille les cultivateurs ; puis elle se fane et tu la vois jaunie ; ensuite, elle devient des débris. » (Sourate 57, verset 20).
Ce verset m’évoque la fuite du temps inscrite dans l’image : la traînée lumineuse qui file sur la route traduit la vitesse et l’impermanence. Le panneau qui marque la sortie d’Aulnay-sous-Bois souligne le passage, le franchissement d’une limite, comme une métaphore du caractère transitoire de l’existence.
Sémiotique
Panneau« Aulnay-sous-Bois » barré → frontière, sortie, fin de territoire.
Mention « Ville Fleurie » → ornement officiel, image enjoliveuse.
Traînée lumineuse de véhicule → vitesse, flux, transit.
Lampadaires rayonnants →lumière artificielle, surveillance, modernité.
Buisson dense au premier plan → présence de nature face à l’urbanisme.
Chambre Noire
L’image est réalisée avec un temps de pose long, captant le mouvement du véhicule et produisant une ligne lumineuse continue. L’utilisation d’une petite ouverture du diaphragme donne aux lampadaires une forme étoilée. Le cadrage légèrement incliné accentue la dynamique de la courbe de la route. La profondeur de champ importante garde nets aussi bien le panneau au premier plan que les bâtiments au loin. Le noir et blanc renforce le caractère graphique de la scène, mettant en avant les textures (feuillage, bitume, béton) et les contrastes de lumière.
Subversion
Le panneau biffant « Aulnay-sous-Bois » matérialise une exclusion symbolique : le territoire est désigné par sa négation. Guy Debord écrivait dans La société du spectacle (1967, thèse 29) que « le spectacle est la carte du monde qui recouvre le territoire » ; ici, la signalétique remplace l’expérience vécue de la ville, réduite à une absence officielle. La trace lumineuse des voitures traduit le flux incessant d’un monde qui traverse sans s’arrêter. Henri Lefebvre, dans La production de l’espace (1974, p. 219), insistait sur la fonction ségrégative des infrastructures routières : cette route n’ouvre pas, elle sépare.
Lucidité
Faits :une route nocturne, un panneau « Aulnay-sous-Bois » barré, un buisson dense, une traînée lumineuse de voiture, des lampadaires et des bâtiments au loin.
Symboles :fuite du temps, frontière, transit, l’artificialité de la lumière, conflit entre nature et urbanisme.
Critiques :dénonciation de l’ornement idéologique (« Ville Fleurie »), effacement du vécu humain derrière les signes administratifs et les flux de circulation.
L’image peut être une recherche esthétique sur la lumière et le mouvement ou une réflexion sur l’urbanisme périphérique et ses artifices. Le doute subsiste, l’analyse reste ouverte…